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    La Communauté Juive d’Alep : Une Histoire Pluriséculaire

    Ce texte est extrait du livre « Le Judaïsme d’Alep à travers les Générations », publié en 1993 par le Centre du Patrimoine d’Aram Tzova. L’auteur est feu Avraham Cohen-Tawil.

    Cet article a été rédigé entre les années 1987 et 1993.


    La communauté juive d’Alep a été fondée dès le VIIe siècle de notre ère, lorsque des marchands et artisans juifs s’y sont établis pour y vivre et y gagner leur subsistance. Au cours des siècles qui ont suivi, elle n’a cessé de se développer et de prospérer, tant en quantité qu’en qualité, dans le domaine matériel (« farine ») et spirituel (« Torah »), c’est-à-dire dans la vie pratique et la vie de l’esprit.

    L’histoire de la communauté juive d’Alep a également connu des périodes de déclin et de difficultés, durant lesquelles divers envahisseurs les ont attaqués et les biens de la communauté juive ont été pillés. Les habitants environnants de la ville d’Alep leur ont également, de temps à autre, imposé leur main dure. Cependant, en observant l’éventail de tous les siècles d’existence de la communauté d’Alep, on perçoit clairement une ligne d’ascension et de progrès.


    Et maintenant (1987), environ 1 300 ans après le début de l’établissement de la communauté juive d’Alep, un processus d’effondrement accompagne la vie de la communauté, en raison des bouleversements politiques dans notre région au cours des dernières générations, et en particulier dans la génération où le mouvement sioniste s’est cristallisé et l’État d’Israël a été établi. Au cours de cette période, de sévères restrictions ont été imposées aux Juifs d’Alep, et parmi ces restrictions : l’interdiction de quitter le territoire syrien (*).

    Ainsi, la communauté juive d’Alep, dans la ville d’Alep, « ville et mère depuis des temps immémoriaux », est devenue obsolète. Cependant, notre intention n’est pas d’ériger une pierre tombale pour la communauté juive d’Alep, mais plutôt de révéler ses lumières cachées et de les rendre accessibles au grand public, et en particulier aux communautés d’Alep, à leurs enfants et à leurs jeunes, qui se trouvent en Israël et sont dispersés dans la diaspora.

    Partout en Israël se trouvent des communautés d’immigrants d’Alep et leurs descendants, qui mènent leur vie dans l’esprit et la tradition des valeurs de la communauté d’Alep telles qu’elles existaient dans la ville.

    Dans la diaspora, on trouve des communautés juives d’Alep et leurs descendants – dignes d’esprit, dont les racines sont ancrées dans les valeurs patrimoniales d’Alep, et florissantes matériellement – dans les lieux suivants : en Europe, Milan et Manchester ; en Amérique du Nord, New York et Deal, New Jersey ; en Amérique centrale, Mexico et Panama ; en Amérique du Sud, São Paulo et Buenos Aires. Chacune de ces communautés est une communauté d’Alep complète, mais en miniature (1).

    Les communautés juives d’Alep d’aujourd’hui se caractérisent non seulement par le fait qu’elles puisent leur esprit et leur tradition dans leur lien avec l’héritage et les valeurs de la communauté originale d’Alep, mais aussi par leur lien profond avec le judaïsme et le sionisme renouvelé. Elles considèrent le sionisme comme la réalisation du judaïsme.

    Ces liens – le lien avec l’héritage d’Alep et le lien avec le sionisme – nous assurent que, de même que ces communautés ont atteint la cohésion sociale et la richesse matérielle, elles parviendront également à une identification pleine et entière avec l’Israël renouvelé et à une création spirituelle digne de ce nom.


    (*) Note de l’éditeur : Au moment de l’impression de ce livre, Hafez al-Assad, président de la Syrie, sous la pression internationale, a été contraint d’autoriser la sortie des Juifs d’Alep de leur ville et du territoire syrien. Les vagues d’émigrants sont actuellement en plein essor.

    Principaux facteurs ayant motivé l’émigration des Juifs d’Alep au cours de l’histoire

    Extrait de l’autobiographie d’Abraham Safdie (rédigée en 2009)

    Facteurs déterminants de l’émigration

    Pour résumer les causes ayant conduit à l’émigration de la communauté juive d’Alep — après près de deux millénaires de présence ininterrompue dans la région —, il convient de noter que, contrairement à l’émigration juive d’autres pays souvent liée à des décrets d’expulsion ou à des persécutions directes, le cas d’Alep révèle une combinaison complexe de facteurs politiques, économiques, sociaux et culturels, que l’on peut exposer comme suit :


    1. Déclin de l’Empire ottoman et effondrement économique

    L’affaiblissement progressif de l’Empire ottoman, à partir de la fin du XVIIe siècle et jusqu’à sa faillite financière en 1875, a entraîné une forte régression de l’activité commerciale et une montée des tensions sociales. Ce processus a conduit, au XXe siècle, à une stagnation économique généralisée qui a touché non seulement la communauté juive, mais l’ensemble de la population syrienne.


    2. Le séisme de 1822 et ses conséquences dévastatrices

    Le tremblement de terre survenu en 1822 causa la mort d’environ 1000 Juifs (sur un total estimé de 3000 victimes). En plus des pertes humaines, la catastrophe provoqua des destructions massives et des pertes économiques considérables, fragilisant davantage la communauté locale.


    3. Affaires de calomnie antisémite et persécutions locales

    L’affaire de calomnie de Damas en 1840, consécutive à la mort du moine capucin Thomas, fut suivie d’incidents similaires à Alep et à Hama. Ces événements déclenchèrent des accusations infondées contre les Juifs, notamment en lien avec la disparition d’enfants. Certains groupes musulmans, influencés par les récits chrétiens, adoptèrent ces accusations, ce qui mena à des persécutions locales.


    4. Influence occidentale via l’Alliance Israélite Universelle

    La création de l’Alliance Israélite Universelle (AIU), en réponse à ces calomnies, visait à venir en aide aux Juifs de Syrie. Cependant, son action introduisit involontairement des éléments de la culture française et occidentale, qui se heurtèrent aux traditions religieuses et éducatives conservatrices de la communauté juive d’Alep.


    5. Réorientation des routes maritimes et déclin du commerce régional

    L’introduction des grands navires à vapeur dans le bassin méditerranéen, au milieu du XIXe siècle, entraîna une modification des routes commerciales. Incapables de mouiller dans les ports syriens, ces navires se dirigèrent vers d’autres destinations, ce qui affaiblit les exportations commerciales d’Alep vers les pays voisins.


    6. Ouverture du canal de Suez et redéfinition des échanges

    L’inauguration du canal de Suez en 1869 modifia en profondeur les itinéraires commerciaux, détournant les flux de marchandises qui transitaient auparavant par Alep, notamment ceux à destination de l’Extrême-Orient. Cela contribua à marginaliser économiquement la ville.


    7. Impact de la révolution industrielle sur la compétitivité locale

    La révolution industrielle en Europe — qui ne s’était pas encore étendue à Alep — introduisit une forte concurrence dans les prix, notamment dans le secteur textile. Cette dynamique accentua la crise industrielle et commerciale locale.


    8. Diversification économique et recherche d’opportunités extérieures

    De nombreux commerçants juifs s’intégrèrent progressivement aux réseaux économiques occidentaux et commencèrent à rechercher de nouvelles opportunités à l’étranger, réduisant de ce fait leur implication dans l’économie locale d’Alep.


    9. Crise culturelle et idéologique face à la modernité

    La montée en puissance de la culture moderne provoqua une crise d’ordre idéologique et culturel. L’éducation traditionnelle religieuse perdit progressivement de son influence, confrontée à l’érosion des valeurs conservatrices et à la pénétration d’idées nouvelles.


    10. Arrivée des “Francos” et intégration à la culture occidentale

    L’arrivée, au début du XVIIIe siècle, des “Francos” — Juifs d’origine européenne — élargit la brèche culturelle permettant l’infiltration de la culture occidentale. Cette évolution facilita l’intégration des commerçants d’Alep aux dynamiques économiques modernes et accéléra la transformation culturelle de la communauté.

    L’identité juive d’Alep : entre tradition et modernité – par Moshe Cohen

    L’identité juive d’Alep : entre tradition et modernité

    La ville d’Alep présente des caractéristiques particulières qui ont marqué le développement sociologique des Juifs d’Alep. C’est la deuxième plus grande ville de Syrie, mais tout au long de l’histoire, elle a été un centre commercial, culturel et ethnique majeur. Elle a créé une mosaïque d’opinions et de positions qui a engendré une atmosphère d’ouverture et de tolérance. La ville abrite diverses communautés ethniques : des chrétiens orthodoxes, des Grecs, des catholiques, des protestants, des musulmans, des Juifs, des Arméniens, des Circassiens, des Assyriens, des Turcs, des habitants des montagnes de Qamishli, et bien d’autres.

    Cette diversité, cette ouverture et cette tolérance ont forgé des Juifs d’une grande richesse culturelle. Les Juifs eux-mêmes étaient constitués de Moust’arabim, de Franco-Juifs, de Juifs de Livourne, de Juifs d’Irak, ainsi que de Juifs ashkénazes, comme les familles Hornstein, Goldman et Lerner. Ce qui est intéressant, c’est que tous se sont intégrés dans un creuset unique, une mosaïque de toutes ces communautés. Ce creuset était celui des Juifs d’Alep.

    D’autre part, la tolérance a entraîné une intégration particulière au sein du judaïsme d’Alep : la Torah et la Halakha d’une part, et la vie mondaine de l’autre, les deux éléments allant de pair sans aucun conflit. À tel point que les habitants d’Alep disaient toujours qu’il fallait vivre selon le principe (Sa’ah le-kh wa sa’ah le-rabaka), c’est-à-dire « une heure pour toi et une heure pour ton Seigneur. »

    Le mélange cosmopolite a laissé sa marque sur les Juifs, qui sont devenus eux-mêmes des hommes du monde, avec des réussites prouvées dans les domaines du commerce, des professions libérales et de la banque. Le sentiment profond d’attachement au judaïsme reste présent aujourd’hui chez les Juifs d’Alep, qui figurent toujours en tête de liste des donateurs pour toutes les causes juives et, par conséquent, pour toutes les causes sionistes.

    Moshe Cohen